Ces thématiques ont été étudiées par les chercheurs de la chaire Transitions Démographiques Transitions Economiques, de la chaire Santé et de la chaire Dérivés du Futur. Leurs travaux sont présentés dans le sixième numéro des Cahiers de l’ILB.
Abordant des sujets divers en fonction de leurs spécialisations, ils dressent un véritable panorama des enjeux liés à la longévité et proposent de nombreuses recommandations. Intervention de l’Etat par le biais d’un coup de pouce fiscal ou d’une répartition des risques systémiques entre les générations, développement de la prévention et de la sensibilisation au “mieux vieillir” dans les entreprises, organisation d’un débat démocratique sur le niveau d’effort consenti en faveur de la santé, prise en compte des coûts indirects liés au soutien familial aux personnes âgées dépendantes, prise de conscience de l’importance du transfert du risque de longévité… La liste des recommandations proposées par ces éminentes équipes de chercheurs serait longue… Un nouveau produit financier a même été développé, permettant de transférer le risque de taux des assureurs vers les marchés financiers.
Comment consolider ses gains de longévité ?
“La longévité : un atout ?” est issu d’une synthèse de divers articles scientifiques et économiques. L’objectif est de porter un regard intergénérationnel sur la problématique du vieillissement. Cette contribution fait largement référence aux travaux des chercheurs de la Chaire transitions démographiques, dont ceux d’André Masson, chercheur associé de cette chaire. Pour tous les contributeurs de l’étude, les transitions économiques permettent une meilleure compréhension des mécanismes du vieillissement et de son impact socio-économique. Enfin, Hélène Xuan s’appuie également, dans cet article, sur les débats organisés lors deux derniers forums annuels « Les sociétés vieillissantes sont-elles condamnées ?» (2010) et « Vieillissement et Perspectives de croissance » (2011).
- Les dix années supplémentaires en bonne santé sont le fruit de plus d’un siècle de gain sur la mortalité qu’il s’agit de consolider pour les générations futures en leur garantissant des niveaux de vie suffisants.
- La retraite par point ou le système de surcote-décote autorise la retraite “choisie” et évite les écueils d’imposer un âge légal et uniforme de départ en retraite.
- Le faible développement du marché du viager nécessiterait une forte taxation des héritages ou un coup de pouce fiscal de l’Etat pour inciter à la transmission précoce.
- L’entreprise doit retrouver sa place en tant qu’acteur de la protection sociale.
- La longévité doit être analysée avec une vision globale, intergénérationnelle.
- La retraite des séniors appartient à la jeunesse. Elle est la contrepartie d’un investissement en éducation, formation…
- La réforme de 1993 a fragilisé les nouvelles générations qui arriveront à la retraite au cours des prochaines décennies.
- L’entreprise est le lieu idéal pour sensibiliser les salariés au “mieux vieillir” et prévenir l’apparition des maladies chroniques.
Quelle part des dépenses allouer à la santé ?
En collaboration avec Hélène Huber et Michel Grignon, Brigitte Dormont a montré, grâce à une analyse de microsimulation réalisée sur des échantillons représentatifs des assurés sociaux français, que les changements de pratiques influencent massivement la croissance des dépenses de santé, le vieillissement de la population ne jouant qu’un rôle mineur : sur la période 1992-2000, il n’explique pas plus d’un dixième de la croissance des dépenses de soins. Avec le soutien de l’Institut Montparnasse, cette étude est actualisée sur la période 2000-2008. Les résultats confirment le rôle mineur du vieillissement : malgré l’accession des cohortes du baby-boom aux âges élevés, il ne justifie toujours qu’un cinquième de la croissance des dépenses de santé. Des analyses rétrospectives menées pour les États-Unis entre 1965 et 2002 ont abouti au même constat : les changements technologiques expliquent la majeure partie de la croissance des dépenses.
- Pour analyser la croissance des dépenses de santé, il est essentiel de ne pas confondre efficience et niveau optimal.
- Il faut évaluer, en unités monétaires, la valeur de la santé obtenue en contrepartie des dépenses.
- Privilégier le secteur de la santé en tant que secteur productif suppose d’invoquer des caractéristiques qui ne lui sont pas spécifiques.
- Il est urgent d’organiser, en France, un débat démocratique sur le niveau de l’effort consenti en faveur de la santé.
- Le vieillissement ne joue qu’un rôle mineur dans la croissance des dépenses de santé.
- La diffusion des nouveaux traitements conduit à une hausse des coûts de la santé.
- Le concept utilisé pour mesurer la valeur des gains en santé et en longévité est appelé « valeur statistique de la vie ».
- La santé ne doit pas être uniquement considérée comme un facteur de productivité et de croissance mais également comme une source de bien-être.
- La finalité des dépenses de santé est d’augmenter la longévité et d’améliorer la qualité de vie.
Soutien familial aux personnes âgées dépendantes : Comment prendre en compte les coûts implicites ?
Les travaux menés au sein du projet « Modélisation du soutien aux personnes âgées dépendantes » de la Chaire Santé, risques, assurance visent à nourrir la réflexion sur le partage entre solidarités collectives et familiales, à travers l’étude des mécanismes familiaux de prise en charge. Dans ce cadre, Roméo Fontaine adopte une approche micro-économétrique, s’appuyant sur des données d’enquêtes. Ces dernières lui ont permis de dresser un tableau sur la manière dont les familles s’organisaient pour aider les personnes âgées dépendantes. L’auteur a ainsi pu mettre en lumière les incidences plus diffuses et plus difficilement observables d’un système de prise en charge plaçant les solidarités familiales comme principal mécanisme assurantiel.
- Il est nécessaire de dépasser la question strictement financière de la prise en charge des personnes âgées.
- La prise en charge informelle apparaît comme une ressource majeure, faisant de la famille la véritable clé de voûte du système actuel de prise en charge.
- Il ne faut pas perdre de vue que la production domestique de prise en charge s’accompagne de coûts économiques. Bien que difficilement observables et quantifiables sous forme monétaire, il importe d’en tenir compte au risque sinon de faire reposer à outrance la prise en charge de personnes âgées dépendantes sur les familles.
- La valeur monétaire de l’aide informelle est sous-estimée par rapport à la couverture publique.
- Le poids économique du soutien familial aux personnes âgées dépendantes est considérable.
- Aider un proche peut avoir des conséquences sur l’activité professionnelle et l’état de santé.
- Faire reposer la prise en charge sur les solidarités familiales renforce les inégalités sociales inter-familiales et intra-familiales.
Comment se couvrir contre le risque de longévité ?
L’article se base sur une synthèse de différents résultats théoriques et empiriques, issus d’une vaste revue de la littérature. L’objectif est de dégager des pistes de réflexion sur les modes de gestion et de financement du risque de longévité les plus efficaces. Pour identifier les déterminants de l’inassurabilité du risque de longévité, Christine Chevallier s’appuie sur des cadres très variés. Elle part de la critique de la théorie du partage des risques, usitée dans l’analyse de l’inassurabilité, jusqu’aux développements les plus récents de la théorie de la décision. Dans le même temps, elle construit son analyse en traitant des anomalies des comportements d’épargne par rapport aux prédictions de la théorie du cycle de vie. Sur la base de la synthèse effectuée, l’article discute des modes adaptés de gestion et de financement du risque de longévité, en écartant l’hypothèse d’une solution unique.
- Il faut adapter le produit aux épargnants en le simplifiant et en limitant les risques qu’il fait porter. L’indexation sur l’inflation et l’introduction d’options de résiliation sont des solutions pour répondre au besoin de précaution des assurés.
- Les imperfections de marché doivent être atténuées par l’intervention du législateur et la mise en place d’une fiscalité encourageante pour la rente viagère.
- L’Etat doit répartir le risque systémique de longévité entre les générations par une intervention sur les marchés de capitaux en tant qu’assureur.
- L’allongement de l’espérance de vie augmente la part de la population susceptible de survivre à ses ressources.
- L’assurance du risque de longévité prend la forme d’une épargne de long terme qui agrandit le nombre et la complexité des déterminants de son inassurabilité.
- La rente viagère est la seule forme d’épargne de long terme offrant une couverture contre le risque de longévité.
Qui pour assumer un risque de longévité croissant ?
.La durée de la vie est un domaine où l’incertitude règne en maître. Une incertitude que combattent ceux qui supportent un risque financier, comme les assureurs, les réassureurs et les fonds de pension. De l’élaboration d’un modèle de prévisions dépendent des enjeux financiers colossaux. Toutefois, une simple anticipation de la longévité ne suffit plus à une bonne gestion des portefeuilles d’assurés. L’heure est au transfert de risques, un exercice qui n’en est qu’à ses prémices.
Cet article est le fruit d’un travail collectif, mené de front par Pauline Barrieu, Harry Bensusan, Nicole El Karaoui, Caroline Hillairet, Stéphane Loisel, Claudia Ravanelli et Yahia Salhi, membres de la Chaire Dérivés du futur. Leurs spécialisations sont diversifiées : mathématiques financières, transferts de risque, assurance… Cette équipe a basé son travail sur de multiples entretiens, menés auprès des professions concernées par le risque de longévité, comme par exemple les assureurs, les réassureurs, les fonds de pension ou les consultants. Les chercheurs se sont ensuite réunis une fois par mois, dans le but d’élaborer leur étude.
- Le vieillissement de la population comporte un volet santé et médecine qu’il ne faut pas négliger. Afin de coller au mieux à la réalité, il est important de travailler en étroite coopération avec les médecins.
- Appréhender le risque de longévité sans le lier à celui de la dépendance serait une erreur. La manière et les conditions selon lesquelles la durée de vie va s’allonger sont des éléments importants à prendre en compte, tant d’un point de vue financier que médical et social.
- La thématique du vieillissement de la population impose une approche interdisciplinaire.
- Le risque de longévité est un risque de long terme et de changement de tendance. Cela signifie que l’espérance de vie pourrait augmenter plus rapidement qu’anticipé.
- Il est difficile de distinguer un changement de tendance de long terme avec de la variabilité courante suffisamment rapidement, ce qui pose la question de la réactivité des réponses apportées à cette problématique.
Comment répartir les risques financiers liés au vieillissement de la population ?
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L’adoption d’un modèle dynamique de longévité de la population avec une approche micro-macro est très intéressante pour simuler plus finement la durée de vie des assurés.
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L’intervalle de confiance choisi par l’assureur doit être suffisamment large pour fournir une réelle protection. Cependant, pour éviter des coûts d’assurance trop élevés, cette bande ne doit pas être extrêmement large, car la banque fixe le prix du produit selon le scénario le plus défavorable.
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Le risque de contrepartie reste le plus grand obstacle au transfert des risques entre les fournisseurs de rentes et les marchés financiers. L’instauration de collatéraux comme garantie est un moyen d’atténuer le risque de défaut, mais cela reste encore insuffisant.
- Le Long Nominal Choosing Swap (LNCS) permet aux assureurs de gérer le risque de taux lié à leurs portefeuilles de rentes en les transférant aux marchés financiers, à travers des contrats de swap.
- Le LNCS fournit aux assureurs une couverture contre la faiblesse des taux d’intérêt.
- La corrélation des taux d’intérêt joue un rôle important dans la fixation des prix du LNCS. Plus la corrélation est élevée, plus les prix du LNCS décroissent et inversement.