+ Ajouter à ma sélection Livres : Le monde est clos et le désir est infini 18 Mar. 2016 Actualités #albin-michelcohencroissanceturgot Dans le cadre du Prix Turgot des meilleurs livres francophones d’économie financière, LouisBachelier.org publie quelques-unes des chroniques rédigées par le Club de présélection. Ce billet est consacré à Le monde est clos et le désir est infini de Daniel Cohen, paru aux Albin Michel (2015). La croissance économique est la religion du monde moderne. Elle est l’élixir qui apaise les conflits, la promesse du progrès indéfini. Elle offre une solution au drame ordinaire de la vie humaine en Occident qui est de vouloir ce qu’on n’a pas. Hélas en Occident du moins, la croissance est devenue intermittente, fugitive…Tout à la recherche de boucs émissaires, les hommes politiques lèvent les mains au ciel pour faire tomber la pluie et le monde moderne évite la question centrale : que deviendra-t-il si la promesse d’une croissance indéfinie est devenue vaine ? Saura-t-il trouver d’autres satisfactions ou tombera-t-il dans le désespoir et la violence ? L’auteur, contrairement à beaucoup d’autres qui manient l’art de la compilation académique, consacre brillamment la plus grande partie de son ouvrage à imaginer des solutions qui font appel à tous les registres de la pensée et de la culture de Freud à René Girard en passant par Georges Bataille pour tenter d’imaginer comment vivre « au-delà de la croissance ». Alors que chacun espère dans la révolution schumpeterienne digitale, Daniel Cohen affirme que l’économie numérique n’a pas d’objet propre, il ne resterait alors de société de consommation que celle de relations sociales. Aussi, l’un des principaux facteurs d’apaisement du monde post-industriel consiste –il suffisait d’y penser et peu y pensent !- de s’immuniser contre les aléas de la croissance. Il faut donc aller vers un monde où perdre son emploi devienne un non-évènement en créant des « Droits de Tirage Sociaux ». Il faut arrêter le management par le stress et la peur, tordre le cou à l’idée selon laquelle il faudrait de la croissance pour financer des dépenses publiques sociales et d’éducation, guérir de l’addiction institutionnelle des modèles d’affaire fondé sur la seule croissance. Il faut ensuite éviter la désespérante –pour beaucoup- de l’endogamie sociale, penser une politique de civilisation visant à restaurer les solidarités, à re-humaniser les villes, à revitaliser la campagne et renverser l’hégémonie du quantitatif au profit du qualitatif. Le livre s’achève sur une citation d’Edgar Morin : « une régénération de la pensée politique doit se fonder sur une conception trinitaire de l’humain : individu, société, espèce ». On pourra partager tout ou partie du propos, mais ce livre a le mérite rare de proposer un projet qui dépasse la croissance en faisant appel à une grande culture polymorphe. Quand on referme l’ouvrage, tout commence. L’ouvrage de référence de la rentrée.