+ Ajouter à ma sélection Perception, risque et décision de long terme 13 Avr. 2015 Actualités #comportemental Opinions& Débats Etudiants à la veille d’un examen, architectes charrette à la veille d’un rendu ou consultants à la veille de la date limite de réponse à un appel d’offres, tous seraient prêts à payer de quelques euros à quelques milliers d’euros pour obtenir un jour de délai supplémentaire. Pourtant, s’ils avaient eu le choix, quelques mois en amont de l’échéance précise, ils auraient été indifférents entre la date effective et le lendemain et n’auraient probablement pas été disposés à payer le moindre euro pour reporter le délai d’un jour. Il en résulte une situation typique d’inconsistance temporelle. Les choix faits aujourd’hui pour le futur ne sont pas forcément cohérents avec ceux qui seront faits dans le futur en ce sens que même si toutes les anticipations élaborées au moment de la décision initiale se sont effectivement réalisées, ces choix pourront tout de même être reconsidérés dans le futur. Dans la littérature, cette inconsistance est parfaitement illustrée par l’Odyssée d’Homère lorsqu’Ulysse demande à ses compagnons de le ligoter au mât de son bateau pour éviter de succomber au chant des sirènes. Il sait, en effet, que cette volonté qui est la sienne aujourd’hui, de résister aux sirènes, ne sera plus sienne dès lors qu’il commencera à entendre leur chant et que son seul désir sera alors de les rejoindre. La résolution de ce conflit entre ses désirs aujourd’hui et ses désirs futurs passe ici par une restriction de sa liberté future. En supprimant un choix potentiel pour le futur (rejoindre les sirènes), il rend son optimum du point de vue d’aujourd’hui (écouter leur chant et ne pas mourir noyé) compatible avec son optimum demain. Cette allégorie illustre parfaitement deux phénomènes propres à la décision intertemporelle et qui jouent un rôle majeur dans le cadre de décisions de long terme : les décisions prises aujourd’hui pour demain ne sont pas nécessairement compatibles avec celles qui seront optimales du point de vue de demain : “demain, j’arrête de fumer, je commence un régime ou je me mets à faire de l’exercice!” contrairement aux modèles statiques ou aux modèles dynamiques standards (qui sont de fait, quasi-statiques), contraindre la décision ne réduit pas forcément le bien-être mais peut, au contraire, permettre de rétablir la cohérence entre les différents horizons temporels et les différentes étapes dans le cadre d’un processus graduel de décision. Elyès Jouini