+ Ajouter à ma sélection Prix du carbone : ce qui a été fait, ce qui reste à faire 17 Mai. 2016 Actualités #tarification L’annonce d’un « prix plancher ” du carbone par le président Hollande à la conférence environnementale confirme un engagement de principe en faveur de la tarification du carbone. Le public n’a guère compris la nature de ce prix plancher qui doit être institué pour le secteur électrique, ni comment il s’articule avec ce qui a été fait depuis le début du quinquennat en matière de tarification du carbone. Explication de texte en quatre points. 1. Depuis le 1er janvier 2014, la France a introduit une « composante carbone » dans sa fiscalité énergétique, souvent dénommée « contribution climat-énergie ». Ce dispositif, introduit dans la loi de finances 2014, prévoyait de monter graduellement le taux de cette taxe carbone de 7 euros par tonne de CO2 en 2014 à 22 euros en 2016. Mission pleinement accomplie : cette taxe s’applique aujourd’hui aux émissions de CO2 résultant de l’utilisation des énergies fossiles dans les secteurs non couverts par le système européen des quotas de CO2. 2. A l’initiative de deux sénateurs, Ronan Dantec et Chantal Jouanno, un article a été incorporé dans la loi sur la transition énergétique, prévoyant de porter la taxe carbone domestique à 56 euros la tonne de CO2 en 2020 et à 100 euros en 2030. Sur proposition du député Jean-Paul Chanteguet, la loi de finances rectificative pour 2015 prévoit une trajectoire jusqu’en 2019 pour atteindre linéairement les 56 euros visés en 2020. Mission en voie d’accomplissement, si les futures lois de finances convertissent les intentions en décisions. Or, la chute du prix des fossiles exceptionnellement favorable depuis deux ans à la tarification du CO2 a peu de chances de se prolonger. Pour réaliser la montée en régime de la taxe carbone, il faudra rendre des arbitrages en matière de recyclage du produit de la taxe acceptables pour l’ensemble des parties. 3. Les émissions de CO2 de l’industrie lourde et du secteur énergétique sont soumises au système européen d’échanges de quotas de CO2 depuis 2005. Ce système dysfonctionne gravement, ne délivrant plus de réduction d’émissions et conduisant même les compagnies électriques à mettre sous cocon des centrales à gaz récentes pour faire tourner des centrales à charbon parfois en fin de vie ! Face à cette situation, le gouvernement a repris la proposition du rapport Canfin-Grandjean d’introduction dans le dispositif européen d’un « corridor » avec un prix minimum et un prix maximum du quota. On reste ici dans le domaine du déclaratif, car le gouvernement français n’a pas les moyens d’instituer unilatéralement la mesure. S’il obtient le soutien des partenaires européens, la mise en place du « corridor ” exigera une profonde refonte de la gouvernance du marché des quotas marquée par l’absence de coordination entre le fonctionnement du marché et les autres mesures de politique incitant à la réduction d’émissions. 4. Le prix plancher du CO2 appliqué aux émissions du secteur électrique français annoncé par le président Hollande fait partie de ces mesures nationales, prises unilatéralement. Au plan national, la mesure peut accélérer le retrait déjà engagé des centrales au charbon et donner une bouffée d’air aux compagnies électriques si le prix minimum du CO2 fait remonter le prix de gros de l’électricité. Au plan européen, elle est dommageable au fonctionnement du système des quotas : le plafond d’émissions s’applique aux 12.000 installations soumises au dispositif européen ; un prix minimum sur le seul secteur électrique ne génère pas de baisses d’émission supplémentaires mais un simple transfert des quotas libérés vers les autres installations qui pourront émettre plus. Au total, les avancées du quinquennat en matière de tarification environnementale ont été le fruit de décisions prises dans la discrétion, avec l’aide ou sous l’impulsion du travail parlementaire. Elles n’ont pas fait l’objet de pédagogie de la part du gouvernement qui aurait pu utiliser l’incroyable opportunité de la baisse des prix des énergies fossiles pour assumer le choix d’une tarification ambitieuse du carbone. Christian de Perthuis Christian de Perthuis est professeur à l’université Paris Dauphine, chaire économie du climat. Article publié dans les Echos du 17/05/2015