Comment faire plus avec moins ? Telle est la difficile équation à laquelle ont dû répondre les partenaires sociaux pour établir la nouvelle convention d’assurance chômage. Avec près de 5 millions de demandeurs d’emploi fin mai 2014, dont 3,38 millions de personnes sans activité inscrites à Pôle Emploi, le chômage continue de progresser. Les contrats de travail, plus rares, se font aussi plus courts. Selon les données de l’Acoss, seules 13,4% des intentions d’embauche (hors intérim) déposées au cours du premier trimestre 2014 concernaient un poste en CDI. En parallèle, la situation budgétaire de l’assurance chômage demeure très fragile avec, fin 2013, un déficit de 3,8 milliards d’euros.
De nouvelles règles, qui entrent progressivement en vigueur depuis le 1er juillet, ont donc vu le jour : création des droits rechargeables et simplification des règles de cumul emploi retraite pour rendre la reprise du travail plus attractive, mais également quelques mesures d’économie comme l’allongement du différé d’indemnisation. Après une rupture de contrat, les salariés percevant des indemnités supérieures au montant légal doivent désormais attendre plus longtemps avant de percevoir les allocations chômage.
Dans ce contexte, les chercheurs s’interrogent : comment améliorer l’efficacité du système ? Faut-il revoir les règles de cotisation et d’indemnisation en fonction du profil de l’entreprise et du salarié ? Quelles leçons tirer des expériences à l’étranger ? Pierre Cahuc, professeur d’économie à l’école Polytechnique, Stéphane Auray, chercheur au CREST et Pierre Cavard, Directeur des Etudes et Analyses à l’Unédic font part de leur analyse.
« Le système actuel subventionne la précarité de l’emploi »

L’assurance chômage aux Etats-Unis, ou l’expérience du bonus-malus

Son financement diffère de son homologue français. Un impôt fédéral finance les frais de gestion de l’assurance chômage. Les indemnités sont quant à elles gérées au niveau des Etats grâce à des cotisations payées par les entreprises. En effet, le système américain fonctionne selon un mode de bonus/ malus appelé « experience rating », que l’on peut traduire par « modulation des cotisations employeurs à l’assurance chômage ». Concrètement, le montant des cotisations des entreprises dépend du nombre de salariés licenciés faisant valoir leur droit à l’indemnisation. Cela signifie que si un ex-employé ne demande pas son assurance-chômage, l’entreprise est exemptée de l’essentiel de ces cotisations.
Il existe certainement plusieurs facteurs explicatifs. Tout d’abord, le temps moyen nécessaire pour retrouver un emploi est beaucoup plus court aux Etats-Unis qu’en Europe. Ensuite, il est fréquent que des salariés soient rappelés par leur ancien employeur une fois l’activité relancée. Une précédente étude de Fujita et Moscarini (2013) constate que plus de 40% des travailleurs, licenciés entre 1990 et 2011, ont retrouvé un emploi auprès de leur précédente entreprise. On peut penser qu’il existe un accord tacite entre les deux parties : l’employeur s’engage à recontacter son ex salarié dès que possible, à condition que ce dernier ne perçoive pas ses indemnités. C’est ce que nous appelons des « licenciements temporaires ». De même, certaines personnes choisissent de ne pas demander le chômage pour éviter d’être stigmatisées auprès de futurs employeurs. Il s’agit d’un côté négatif du système. Il encourage les demandeurs d’emplois à ne pas toucher leurs indemnités, et favorise les licenciements temporaires.
Effectivement. Certaines entreprises optent pour cette option. Dans ce cas, elles s’acquittent d’une facture, envoyée par l’agence pour l’emploi de leur Etat, qui récapitule les allocations versées à leurs anciens employés au cours de l’année. Si elles licencient peu, cette solution s’avère moins couteuse pour elles. La part des sociétés faisant ce choix est restée stable durant les années 90 et le début des années 2000, mais elle a fortement augmenté à partir de 2007. Résultat en 2013, environ 35% des entreprises américaines fonctionnaient ainsi.
Oui car c’est un système qui a permis de faire face à la crise. Globalement, il dissuade les licenciements en augmentant leur coût. Toutefois, il présente l’inconvénient d’accroitre les inégalités entre les secteurs d’activité. En effet, un secteur en difficulté va avoir un taux de licenciement assez fort ce qui engendre une hausse des cotisations, et accroit donc un peu plus la fragilité des entreprises concernées. C’est pourquoi nous proposons quelques modifications. Nous recommandons que la modulation des cotisations ne s’effectue plus uniquement sur le nombre de licenciement enregistré par l’entreprise, mais aussi en fonction du parcours individuel de chaque travailleur. Le montant des indemnisations serait ainsi annexé sur la durée de travail : plus vous travaillez longtemps, plus vous êtes indemnisé. Ce système conserverait les aspects positifs de la modulation des cotisations tout en minimisant les distorsions du côté entreprise.
« La priorité a été donnée à la durée d’indemnisation»

Coralie Bach