+ Ajouter à ma sélection La recherche au service de la transformation et de la décarbonation du système électrique 6 Jan. 2017 Actualités Cahier La prise de conscience du réchauffement climatique et la nécessité d’évoluer vers une transition énergétique moins consommatrice en combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz) font globalement consensus dans le monde. De fait, l’Accord de Paris, négocié lors de la COP21 en décembre 2015, a été ratifié par plus d’une centaine d’États, ce qui a permis son entrée en vigueur début novembre 2016. Son objectif principal est de parvenir à limiter la hausse des températures à deux degrés Celsius d’ici à 2100, en réduisant les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Dans ce contexte, où se joue l’avenir des générations futures, les énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydraulique) en complément du nucléaire ont un rôle majeur à jouer pour décarboner la production d’électricité. Aujourd’hui, celles-ci représentent 23 % du mix énergétique mondial. Elles pourraient atteindre 37 % en 2040, si l’Accord de Paris était respecté, selon le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE). Au niveau de l’Union Européenne, la proportion des énergies renouvelables dans la production électrique pourrait se situer dans une fourchette encore plus élevée, comprise entre 45 % et 60 % à l’horizon 2030 ! Cet objectif ambitieux constitue une des priorités des autorités compétentes. Toutefois, les défis sont immenses, car ce changement de paradigme, lié à l’essor des énergies vertes, implique des contraintes financières, technologiques et opérationnelles pour les énergéticiens. Et c’est là que l’apport de la recherche est décisif. Or, en tant qu’acteur historique du secteur électrique en France et à l’international, le groupe EDF engage des efforts importants, en termes de recherche scientifique, dont le Laboratoire de finance des marchés de l’énergie (FIME) est une illustration concrète. Créé en 2006, FIME est aujourd’hui une Initiative de recherche de la Fondation Institut Europlace de Finance. Il regroupe une équipe d’une trentaine de chercheurs académiques et des ingénieurs-chercheurs d’EDF R&D spécialisés notamment dans les mathématiques appliquées, l’économie et la finance. Ces profils variés permettent ainsi de faire le lien entre la recherche fondamentale et appliquée, indispensable pour identifier et résoudre les nombreux challenges du secteur électrique déjà bousculé par la dérégulation des dernières années. Cette situation a fait naître de nombreuses problématiques auxquelles la recherche peut répondre : quels sont les tarifs à appliquer en situation de concurrence ? Comment un énergéticien doit-il gérer une demande variable ? Quelles stratégies d’achat/vente sur les marchés de gros doit mettre en place un producteur ? Comment faire face à la hausse de la part des énergies renouvelables dont la production est aléatoire ? Et surtout, comment faire monter progressivement les énergies vertes pour réduire les émissions de carbone du système électrique… ? Dans ce nouveau numéro des Cahiers Louis Bachelier, vous pourrez trouver des éléments de réponses issus de quatre articles scientifiques récents réalisés par des chercheurs de FIME, ainsi qu’une interview exclusive du directeur des programmes management de l’énergie de la division R&D du groupe EDF. Bonne lecture ! Clémence ALASSEUR, Directrice du Laboratoire FIME et ingénieur-chercheur à EDF R&D et Nizar TOUZI, professeur de mathématiques appliquées à l’école Polytechnique Tarification de l’électricité : comment mieux prendre en compte les défis actuels ? L’ouverture à la concurrence, la fin des tarifs réglementés et le développement des énergies renouvelables transforment le marché de l’électricité. Ivar Ekeland et ses coauteurs s’intéressent à la façon dont les fournisseurs pourraient construire de nouvelles offres tarifaires adaptées à ces évolutions majeures. D’après un entretien avec Ivar Ekeland sur son article à paraître “Second-best tarification for a producer-provider of electricity”, co-écrit avec Dylan Possamaï, Romuald Elie, Nicolas Hernández Santibáñez et Clémence Alasseur. La question des tarifs de vente d’électricité est aujourd’hui au coeur des préoccupations des fournisseurs. Plusieurs facteurs comme l’ouverture des marchés, la fin des tarifs réglementés de l’électricité ou encore la modification des mix de production d’électricité, avec notamment le fort développement des énergies renouvelables, conduisent les acteurs à repenser les formules tarifaires proposées aux consommateurs. Les compteurs intelligents, dont le déploiement est en cours en Europe, sont un des outils qui vont permettre la mise en pratique de tarifs innovants. Mais comment adapter les propositions tarifaires à l’évolution du mix énergétique ? Autrement dit, comment prendre en compte les divers modes de production de l’électricité ? Quel est l’impact de l’arrivée d’autres fournisseurs sur le marché ? Intégrer la concurrence et la réaction des clients Ce type de problèmes se posait déjà du temps du monopole, mais de manière moins aiguë. En effet, aujourd’hui, avec la libéralisation des marchés, le consommateur n’est plus aussi captif que par le passé. Il ne signera un contrat que si ce dernier répond à ses besoins et qu’il est le plus compétitif parmi les offres mises à sa disposition. La tarification de l’électricité pose de nouveaux problèmes d’optimisation, dans la mesure où les clients ont des besoins différents auxquels il faut répondre avec plusieurs tarifs Le fournisseur doit ainsi intégrer la réaction des clients à ses offres : signature ou non du contrat, mais aussi le niveau de consommation adoptée. Il doit également mettre dans la balance la lisibilité et la simplicité des tarifs qu’il propose. Ces derniers doivent être transparents sur les factures, au lieu d’apparaître aux clients comme sortis d’une boîte noire. Pour y parvenir, les chercheurs ont trouvé la parade : “Nos travaux permettraient aux fournisseurs d’électricité d’établir des grilles de tarifs mieux adaptées aux besoins de leurs clients potentiels, affirme Ivar Ekeland, tout en ajoutant que la compréhension et la mesure de l’impact de l’arrivée de fournisseurs concurrents sur le marché seraient également identifiables.” Des problèmes de tarification La tarification de l’électricité pose de nouveaux problèmes d’optimisation, dans la mesure où les clients ont des besoins différents auxquels il faut répondre avec plusieurs tarifs. Un particulier – qui met le chauffage et utilise son four quand il rentre de sa journée de travail – ne consomme pas de la même manière qu’un grand industriel, qui peut déplacer une partie de sa production vers les heures creuses, afin de profiter de tarifs plus bas. Tout comme un assureur automobile ne sachant pas si un client potentiel est un conducteur prudent ou non, le fournisseur d’électricité doit établir un tarif qui va lui permettre de distinguer (ou “discriminer”) les clients en fonction de leur appétit à consommer de l’électricité. Alors que l’assureur propose un tarif avec une franchise élevée et une prime basse pour attirer les conducteurs prudents (l’inverse pour les autres), le fournisseur d’électricité joue pour sa part sur la puissance maximale utilisable et le coût du mégawattheure. À la différence d’autres marchandises, telles que le blé ou le pétrole, l’électricité n’est pas (ou très peu) stockable : en conséquence, la production doit égaliser presque parfaitement la consommation d’électricité à chaque instant Des problèmes spécifiques à l’électricité Si les questions de tarification en situation de concurrence sont généralement très complexes, elles le sont encore plus dans le cas de l’électricité. En particulier, les fournisseurs doivent intégrer le fait que le coût de production supporté par le producteur à un instant donné dépend de l’ensemble de la consommation des clients. De fait, à la différence d’autres marchandises, telles que le blé ou le pétrole, l’électricité n’est pas (ou très peu) stockable : en conséquence la production doit égaliser presque parfaitement la consommation d’électricité à chaque instant. Aux heures de pointe, des centrales thermiques au charbon ou au gaz peuvent être sollicitées en plus du nucléaire et des énergies renouvelables. Mais le coût de la production instantanée, qui est bien plus élevé, induit un coût de production global supérieur. Par ailleurs, les énergies renouvelables (éolienne, photovoltaïque) fonctionnent de façon intermittente, dépendant des conditions météorologiques. “Notre modèle apporte la prise en compte des contraintes liées aux différentes sources de production des énergéticiens”, assure Ivar Ekeland.nEnfin, il faut ajouter que les fournisseurs doivent intégrer certaines obligations de service public, comme celles d’assurer un service minimum sur tout le territoire ou de proposer des tarifs de précarité. Comment réduire la volatilité de la demande d’électricité par la tarification ? Parce que la réduction des émissions de gaz à effet de serre passe nécessairement par l’accroissement de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, la possibilité pour les fournisseurs d’électricité de moduler la demande devient une composante essentielle de la gestion des systèmes électriques. D’après l’article : “A principal agent model for pricing electricity demand volatility”, de Nizar Touzi, René Aïd et Dylan Possamaï, ainsi qu’un entretien avec René Aïd. L’accord de Paris sur le climat, résultant de la COP21, ambitionne de limiter le réchauffement climatique à deux degrés Celsius, d’ici à 2100. La réalisation de cet objectif passe obligatoirement par la décarbonisation de l’économie. Dans ce contexte, la production d’électricité doit également limiter son impact sur l’environnement, alors qu’elle engendre un tiers des émissions de carbone issues de la combustion des énergies fossiles, selon le rapport 2015 de l’Agence Internationale de l’Énergie. L’intermittence des énergies renouvelables Pour réduire les émissions de carbone provoquées par la production d’électricité, le nucléaire et les énergies renouvelables (éolienne et solaire principalement) sont les modes de génération à privilégier. Ces dernières ont toutefois la particularité de fonctionner par intermittence dans le temps et l’espace, en fonction d’événements météorologiques (ensoleillement, vent…). Face à cette discontinuité de la production électrique renouvelable, les producteurs et les fournisseurs ont besoin de capacités de modulation de la production ou de la consommation. Et il existe trois méthodes pour y parvenir qui ne confèrent pas les mêmes bénéfices. “Tout d’abord, il est possible d’ajouter des capacités de stockage physique composées de batteries, mais elles nécessitent beaucoup de volumes et des coûts importants. Deuxième solution, utiliser les centrales à gaz mais celles-ci génèrent des émissions de carbone. Enfin, la modification de la consommation est le levier sur lequel les énergéticiens peuvent investir, même si les informations sont encore insuffisantes. Nos travaux portent justement sur des techniques nouvelles de gestion active de la demande”, souligne René Aïd. Moduler la consommation électrique grâce aux compteurs intelligents La gestion active de la demande d’électricité existe déjà depuis plusieurs années. Les producteurs ont, en effet, mis en place des grilles tarifaires évolutives en fonction des jours et des heures de pointe. Ces incitations tarifaires permettent ainsi de réduire la consommation électrique des particuliers, ces derniers étant particulièrement sensibles à la réception de signaux tarifaires. Toutefois, les résultats de cette démarche sont encore insuffisants et devraient être affinés. “Nous estimons qu’il faudrait améliorer la communication avec les consommateurs, afin de réduire les délais des signaux tarifaires à leur envoyer. En réalité, les producteurs ont besoin de lisser davantage la demande d’énergie en incitant les consommateurs à décaler leur consommation dans le temps, en fonction des contraintes de production”, explique René Aïd. Pour ce faire, le déploiement de compteurs intelligents (comme Linky) est nécessaire, afin d’établir des programmes de modulation de la consommation électrique. De fait, cette technologie apporte aux producteurs de nombreuses informations liées à la consommation. Signalons que 45 millions de compteurs intelligents ont d’ores et déjà été installés, en Italie, en Finlande et en Suède. Dans les 28 pays de l’Union Européenne (UE), des investissements de 45 milliards d’euros sont requis pour atteindre les 200 millions de compteurs intelligents. Un modèle simple mais efficace En attendant que les producteurs puissent utiliser les données issues de tels compteurs afin de, mettre en place des systèmes de modulation de la consommation électrique à des mailles fines des réseaux électriques (quartier, commune ou ville), René Aïd, Dylan Possamaï et Nizar Touzi cherchent à concevoir, en raisonnant dans le cadre d’un modèle de type “principal-agent”, quels seraient les meilleurs plans tarifaires pour parvenir à cet objectif de modulation de la demande.Plus précisément, ils considèrent une situation où un producteur (le principal) cherche à inciter un client (l’agent) à lisser sa consommation dans le temps. Même s’il constitue une représentation très simplifiée de la réalité, ce modèle fournit des indications précieuses pour concevoir la gestion de systèmes plus réalistes intégrant un grand nombre de consommateurs. Les hypothèses de base du modèle sont les suivantes : • Le producteur d’électricité dispose d’une centrale avec non seulement des coûts dépendant du niveau de production, mais également des coûts lorsqu’il fait varier sa production à la hausse ou à la baisse. • Le producteur ne connaît que la consommation totale du client. Il ne peut pas observer les actions et les efforts du client pour réduire ou décaler sa consommation. • Le client a une utilité à consommer et un coût à modifier sa consommation en réponse aux signaux du producteur (effort, adaptation, décalage dans le temps…). Les auteurs cherchent ensuite lecontrat optimal qui minimise la somme des coûts de production du producteur et du paiement au consommateur pour le lissage de sa consommation. A noter que ce modèle s’inscrit dans le cadre de la théorie des contrats, domaine de recherche pour lequel Oliver Hart et Bengt Holmstöm viennent d’être récompensés du “Prix Nobel d’Économie” 2016. Vers un modèle plus réaliste Les simulations numériques confirment que le contrat optimal permet effectivement de réduire la volatilité des écarts de consommation nominale du client, tout en réduisant les coûts du producteur. Néanmoins, la modélisation a été effectuée en supposant un signal tarifaire en temps continu, ce qui est peu opérationnel sur le plan technique. Pour lever cette contrainte, les chercheurs ont comparé le contrat optimal avec un contrat approché. Ce dernier dépend de points de consommation à des instants donnés (découpage en périodes de consommation). “Avec le contrat approché, le consommateur réduit la volatilité de sa consommation principalement en début de période. Cela permet au producteur de réduire ses coûts. Nous devons toutefois poursuivre nos travaux pour réussir à obtenir un système tarifaire unique et intelligible à destination d’une population de consommateurs. L’objectif étant d’obtenir un signal compatible avec les capacités de modulation de la production locale sans créer de gêne pour le consommateur”, conclut René Aïd. Comment les producteurs doivent-ils se comporter sur les marchés infrajournaliers de l’électricité ? Avec l’accroissement de la part des énergies renouvelables (intermittentes par nature) dans la production d’électricité, les énergéticiens doivent composer avec une part accrue d’incertitude. Les marchés infrajournaliers de l’électricité sont un des moyens à leur disposition permettant de compenser les éventuels écarts imprévus de production. D’après l’article “An optimal trading problem in intraday electricity markets”, écrit par René Aïd, Pierre Gruet et Huyên Pham, ainsi qu’un entretien avec Pierre Gruet. Si le niveau de la production d’électricité à base de nucléaire ou de charbon est très largement contrôlable par les énergéticiens, ce n’est pas le cas du niveau de la production issue des sources d’énergies renouvelables (solaire et éolienne) qui est conditionné par les évènements météorologiques (ensoleillement, vitesse du vent). La marge d’erreur pour prévoir la production d’une ferme éolienne peut, par exemple, atteindre 20 % de ses capacités installées à un horizon de six heures. De façon générale, la prise en compte de cette incertitude apparaît comme une problématique grandissante pour les acteurs du secteur, dans un contexte où la proportion des renouvelables dans le mix énergétique français et européen augmente régulièrement. Les producteurs d’électricité doivent en outre composer avec le caractère peu stockable de l’électricité qui les oblige à ajuster avec exactitude leur production à la demande à chaque instant, sous peine de subir des pénalités financières. Pour réduire les écarts entre la production et la demande, ces derniers ont principalement deux possibilités : ils peuvent recourir à des centrales thermiques d’appoint (par exemple gaz ou fioul) pour augmenter leur offre, ou bien acheter de l’électricité sur les marchés infra-journaliers. Les marchés infrajournaliers constituent une alternative pour répondre aux besoins momentanés des producteurs Alors que ces deux solutions induisent des coûts supplémentaires spécifiques, le choix de la meilleure stratégie à adopter à un moment donné peut s’avérer assez complexe. Les marchés infra-journaliers de l’électricité sont des leviers incontournables Parce que les coûts induits par le recours à une centrale thermique d’appoint peuvent être très élevés, surtout si ces installations ne sont pas démarrées au préalable, les marchés infra-journaliers constituent une alternative pour répondre aux besoins momentanés des producteurs. Les bourses journalières d’échange de l’électricité, comme Epex Spot à Paris, sont ouvertes en continu (7j/7, 24h/24). Ces marchés fonctionnent selon un système d’enchères entre acheteurs et vendeurs. Les cours spot y sont fixés quotidiennement à la mi-journée pour une livraison le lendemain. Les marchés infra-journaliers prennent alors le relais pour permettre aux acteurs de continuer à échanger. “Les marchés infra-journaliers sont une variable d’ajustement intéressante pour les producteurs. Ces derniers peuvent ainsi gérer avec plus de souplesse leur production, car ils peuvent acheter ou vendre de l’électricité, au fur et à mesure des nouvelles qui arrivent (anticipation de demande supplémentaire, météo, panne…)”, indique Pierre Gruet. Le producteur qui décide de recourir aux marchés infra-journaliers doit également prendre en compte des phénomènes propres à ces marchés, comme la volatilité des prix et l’impact sur le prix de ses propres ordres d’achat ou de vente. Cela rend plus complexe la décision d’arbitrage entre une utilisation accrue de ses moyens de production ou une intervention sur ces marchés. Un modèle original pour optimiser les décisions d’un producteur C’est pour mieux comprendre les effets de ces choix et faciliter la prise de décision d’un énergéticien confronté à ce type de problématiques que René Aïd, Pierre Gruet et Huyên Pham ont proposé une modélisation mathématique originale qui allie les techniques financières de trading optimal et les contraintes physiques de la gestion de production. Cette modélisation prend à la fois en compte les coûts des pénalités financières imposées au producteur, en cas de déséquilibre entre la production et la demande, les coûts de production de l’énergie non renouvelable produite dans des centrales thermiques et les coûts liés aux transactions sur les marchés. Par ailleurs, les chercheurs ont introduit une variable supplémentaire : la demande résiduelle aléatoire du producteur, qui représente la consommation de ses clients, diminuée de sa production issue des énergies renouvelables. Et c’est cette demande résiduelle que l’énergéticien doit satisfaire par de la production thermique ou par des opérations sur le marché, sous peine de subir des surcoûts. Cette demande résiduelle n’est pas figée et peut varier brusquement, par exemple, en cas d’aléa météo. De plus, la production thermique disponible peut elle aussi varier en cas de panne sur une centrale thermique, ce qui oblige alors le producteur à se tourner vers les marchés. Mais dans ce cas de figure, i.e. un manque de production à un instant T, les prix de l’électricité sur les marchés infra-journaliers sont alors poussés à la hausse, puisque tous les acteurs sont informés de la pénurie.“Nous avons cherché à déterminer la stratégie que doit adopter un producteur sur les marchés quand il y a un pic soudain de la demande résiduelle ou un imprévu sur le parc thermique classique”, explique Pierre Gruet. En clair, doit-il acheter d’un coup la quantité d’électricité dont il a besoin ou attendre des offres de prix plus intéressantes ? Cette décision dépendra notamment de l’aversion au risque du producteur. Surtout, le modèle suggère qu’il aura tout intérêt à lisser ses achats au cours de la journée. Cette stratégie lui permettant de réduire son exposition sur les marchés et de réajuster ses achats, en fonction des nouvelles qu’il reçoit sur sa production d’énergie renouvelable, sur ses anticipations de demande d’électricité et sur l’état de fonctionnement de ses centrales thermiques (qui sont trois composantes aléatoires). En revanche, si les prix de l’électricité sur les marchés sont plus élevés que ses coûts de production, le producteur choisira logiquement d’activer ses centrales thermiques. “Notre modèle répond aux problèmes d’optimisation de la production des énergéticiens. Ils peuvent déterminer la meilleure stratégie à adopter sur les marchés en minimisant leurs coûts”, conclut Pierre Gruet. Comment optimiser la gestion d’un micro-réseau électrique intelligent ? La gestion des micro-réseaux intelligents (en anglais microgrids) - qui permettent de rapprocher la production d’électricité des consommateurs - donne lieu à des problèmes d’optimisation complexes. En particulier, ils doivent satisfaire à moindre coût une demande variable d’électricité, en utilisant au maximum les sources d’énergie renouvelable et d’éventuels équipements de stockage. D’après l’article “A Stochastic Continuous Time Model for Microgrid Energy Management”, écrit par Benjamin Heymann, Joseph Fréderic Bonnans, Francisco Silva, Guillermo Jimenez, ainsi qu’une interview avec Joseph Frédéric Bonnans. La Commission de Régulation de l’Énergie définit les micro-réseaux électriques intelligents (en anglais microgrids) comme des réseaux électriques de petite taille, qui fournissent un approvisionnement énergétique (…) à un petit nombre de consommateurs. Ils fonctionnent principalement à l’aide de sources d’énergies renouvelables (solaire, éolienne, hydraulique), mais aussi non renouvelables (générateur diesel) ou encore avec des batteries de stockage électriques dans une moindre mesure. Quant à la gestion de ces équipements, elle s’effectue grâce à des programmes informatiques. Par ailleurs, ils peuvent être raccordés au réseau de distribution principal pour le soulager en cas de pic de consommation ou fonctionner en autonomie. Sur ce dernier point, les microgrids permettent ainsi d’alimenter plus efficacement en électricité des zones reculées, comme des villages dans des pays en développement. Un marché en plein essor Outre ces caractéristiques, les micro- réseaux intelligents confèrent d’autres bénéfices économiques et opérationnels, car l’extension des grands réseaux électriques et de gaz traditionnels entraîne des investissements importants, tandis que le stockage implique de fortes contraintes techniques. Pour toutes ces raisons, les microgrids connaissent un développement important dans le monde. Et cette tendance devrait s’accentuer dans les prochaines années. En témoigne une récente étude du cabinet américain, Navigant Research, qui estime que les capacités électriques des microgrids atteindraient 7,6 gigawatts (GW) en 2024, contre 1,4 GW en 2015, selon un scénario bas. Cependant, le déploiement et le fonctionnement de ces micro-réseaux électriques font naître des besoins spécifiques pour les acteurs du secteur et les différentes parties prenantes (pouvoirs publics, population). Comment, en particulier, optimiser le fonctionnement de ces installations pour tenir compte de la variabilité de la demande d’électricité ? Un modèle pour améliorer la gestion d’un microgrid existant Pour apporter des éléments de réponses à ces interrogations, les quatre chercheurs (Benjamin Heymann, Joseph Fréderic Bonnans, Francisco Silva, Guillermo Jimenez) ont analysé un microgrid isolé, situé dans le désert d’Acatama au nord du Chili. Celui-ci permet d’alimenter en électricité le village de Huatacondo. Le réseau est composé de panneaux solaires, d’éoliennes, d’une installation de stockage d’énergie à l’aide d’une batterie et d’un générateur diesel alimenté par du fioul. À partir de ces différents paramètres, les chercheurs ont développé un modèle qui permet de satisfaire la demande plus efficacement. En clair, le modèle optimise l’usage des différentes sources de production d’électricité, en fonction de leurs contraintes spécifiques. Ils ont ainsi pris en compte la variabilité de la demande des villageois et les différentes sources d’énergie du microgrid : les panneaux solaires qui génèrent la majeure partie de l’énergie, avec un pic à midi. Des éoliennes, en complément, nécessitant du vent qui varie en fonction de la météo. Une batterie permettant de stocker le surplus d’énergie renouvelable et qui s’utilise pour pallier une hausse de la demande, tout en ayant une durée de vie limitée. Enfin, un générateur qui fonctionne avec du fioul (provoquant des rejets de CO2) et qui consomme davantage au moment de son démarrage. Un modèle stochastique dynamique et original… À côté de ces paramètres, les chercheurs ont pu accéder aux données de la production d’électricité issue du panneau solaire. “La production d’énergie solaire était facilement prévisible, étant donné que notre expérience s’est déroulée dans un désert aride. Toutefois, nous avons été confrontés à deux problématiques majeures. D’abord, modéliser la variabilité de la demande d’électricité. Ensuite, limiter au maximum l’utilisation du générateur qui fonctionne au fioul, et qui a un coût de mise en fonctionnement élevé”, explique Joseph Frédéric Bonnans. Pour les résoudre, les chercheurs ont étendu leurs travaux antérieurs, basés sur une modélisation déterministe, vers un modèle stochastique dynamique qui est nouveau dans la littérature. Sur le plan méthodologique, ce nouveau modèle, plus réaliste et opérationnel, implique des variables discrètes (marche/arrêt de la batterie) et continues (niveau de charge de la batterie), ainsi que des équations différentielles stochastiques. Techniquement, ce modèle a la structure adéquate pour la programmation dynamique, qui débouche après discrétisation sur un algorithme dit semi lagrangien. Les chercheurs ont étendu leurs travaux antérieurs, basés sur une modélisation déterministe, vers un modèle stochastique dynamique qui est nouveau dans la littérature En appliquant à ce dernier une méthode ad hoc de minimisation du hamiltonien, qui est également nouvelle, les chercheurs sont parvenus à simplifier les calculs numériques. “Notre modèle stochastique de programmation dynamique estime la demande d’électricité et le coût d’utilisation du générateur grâce à un algorithme, ce qui permet d’optimiser la gestion d’un microgrid isolé. Par ailleurs, la vitesse de calcul de la solution résolue par notre algorithme stochastique est supérieure à celle obtenue par une approche déterministe en temps continu”, affirme Joseph Frédéric Bonnans. En pratique, le modèle permet d’envisager une gestion plus efficace des ressources du village chilien, qui leur garantirait une meilleure autonomie énergétique. … Aux applications potentielles importantes Si les résultats de ces travaux de recherche sont particulièrement encourageants, ils doivent néanmoins se poursuivre pour parvenir à des extensions plus sophistiquées. Parmi les pistes envisagées, figure notamment la modélisation du vieillissement de la batterie, c’est-à-dire l’estimation de sa durée de vie en fonction de son utilisation. En outre, la compréhension et la gestion d’un microréseau électrique intelligent permettraient à terme d’étendre cette nouvelle modélisation à un ensemble de microgrids qui seraient connectés à un réseau principal. La recherche dans ce domaine a donc plus que jamais besoin de se poursuivre. « La concurrence n’est pas uniforme entre les différents moyens de production » Si la transition énergétique, basée sur une réduction des émissions de carbone, s’enclenche progressivement, elle implique toutefois des efforts importants en matière de recherche et développement (R&D). Pour obtenir une vue d’ensemble sur la recherche, effectuée par EDF, Alain Burtin – qui occupe le poste de directeur des programmes de management de l’énergie chez EDF R&D – détaille ses priorités. Dans le périmètre de sa fonction, il est en charge des problématiques de recherche liées à à l’optimisation des différents moyens de production d’électricité, des interactions avec les marchés financiers de l’énergie ou encore du développement des systèmes électriques décarbonés qui va de pair avec l’augmentation des énergies renouvelables (EnR). Il est aussi vice-président de l’association européenne Smart Energy Demand Coalition (SEDC). Pouvez-vous nous présenter brièvement la branche R&D d’EDF ? Chez EDF, la recherche et développement regroupe plus de 2000 personnes dans dix sites à travers le monde. Cette ouverture internationale nous permet d’avoir une vision globale des problématiques énergétiques et de confronter différents points de vue. En 2015, le groupe a consacré un budget de 560 millions d’euros à la R&D. Qu’apporte le laboratoire Fime (qui a fêté ses dix ans d’existence cette année) à EDF ? Cette initiative de recherche d’excellence constitue une très bonne passerelle entre les mondes académiques et industriels sur des questions à l’interface entre la finance et l’énergie. Par exemple, Fime a élaboré des modélisations et des méthodes numériques pour cerner davantage les mécanismes des marchés de l’énergie, en s’intéressant aux particularités des produits financiers spécifiques à l’électricité. Quelles applications industrielles concrètes ont pu être mises en œuvre grâce aux recherches de Fime ? La confrontation entre la sphère académique et opérationnelle a été une source d’inspiration pour développer de nombreux outils pour les différentes directions du groupe. Il nous a permis d’adresser des questions opérationnelles nouvelles dans un contexte de développement des marchés de l’électricité et du gaz, notamment, en termes de modélisation des prix et de couverture des risques sur les marchés de l’énergie. Quels sont les axes prioritaires de la recherche pour EDF actuellement ? Aujourd’hui, notre R&D s’articule autour de trois grandes thématiques. Premièrement, le développement des services énergétiques innovants, qui constitue des enjeux majeurs pour les consommateurs. En effet, le développement de nouvelles technologies de l’information, l’essor de l’internet des objets, mais aussi des équipements pilotables à distance, comme le compteur communiquant Linky, permettra d’expérimenter de nouveaux services pour nos clients et d’assurer un meilleur suivi de leur consommation. Ces futures améliorations vont dans le sens de la transition énergétique, car elles entraîneront plus de sensibilisation auprès des clients et donc de meilleurs usages. Notre objectif est d’aller au-delà de la simple fourniture d’électricité pour tendre vers une utilisation plus efficace de l’énergie. Deuxièmement, nous nous intéressons particulièrement à l’évolution des systèmes électriques du futur, qui engloberont davantage de sources EnR (éolienne, solaire). Or, ces moyens de production décentralisée, qui ne couvrent pas tous les besoins, doivent interagir avec les grands réseaux traditionnels. Ces derniers sont d’une importance fondamentale, car ils permettent de stocker une partie de l’électricité produite par les EnR décentralisées, de les partager et de réduire les coûts, tout en bénéficiant des synergies avec les moyens de production conventionnels centralisés nucléaires et hydrauliques également décarbonés. Le renforcement de ces réseaux et de leur pilotage est donc décisif pour l’intégration performante des EnR dans les systèmes électriques. À ce titre, le recours accru à l’électronique de puissance, notamment pour le raccordement des EnR aux réseaux, réduit l’inertie des réseaux et nécessite de développer des solutions plus performantes de réglage de la fréquence et de la tension, afin de ne pas mettre en péril la sécurité des réseaux. Cette problématique conduit à revoir les plans de protection et les équipements des réseaux pour augmenter les seuils d’intégration des EnR dans les systèmes électriques. La confrontation entre la sphère académique et opérationnelle a permis de développer de nombreux outils pour les différentes directions du groupe Troisièmement, nous travaillons sur la consolidation et le développement des différentes technologies de production d’électricité décarbonés (nucléaire, EnR), ainsi que sur le développement des usages performants de l’électricité (véhicules électriques, pompes à chaleur …). Un programme de recherche spécifique est consacré au stockage de l’énergie, en particulier de l’électricité par le bais de batteries. Cette technologie reste encore très coûteuse, mais elle présente des potentiels de baisse de coûts importants. Revenons un instant sur le compteur Linky que vous avez mentionné plus haut. Il semblerait que de nombreux consommateurs soient sceptiques à l’égard de cet outil, qu’ils jugent intrusif sur le plan de la vie privée. Qu’en pensez-vous ? Le compteur intelligent Linky est déployé par Enedis, une filiale d’EDF. Cet outil est destiné aux clients de tous les fournisseurs d’électricité en France. Sans rappeler tous les avantages de Linky pour les consommateurs, il faut insister sur le fait que les données de consommation électrique sont la propriété exclusive des clients. Les données de consommation du client sont transmises par l’opérateur de comptage au fournisseur concerné, qui peut effectuer des facturations plus en phase avec la consommation réelle d’électricité de ses clients. Aucune communication à un tiers des données de consommation d’un usager ne peut avoir lieu sans son autorisation préalable. Je comprends néanmoins les doutes de certaines personnes, qui peuvent craindre d’être espionnées, car cette technologie est nouvelle. Toutefois, cette méfiance n’a pas lieu d’être, ce sujet ayant été largement traité dès la conception du projet. Comment le poids des EnR peut-il augmenter dans le mix énergétique français et plus globalement en Europe ? Actuellement, les EnR représentent 18 % du mix électrique français, en incluant l’hydraulique dont la production d’électricité n’est pas intermittente. L’éolien et le solaire sont devenus des sources d’énergie compétitives ces dernières années. Elles ont donc une réelle place sur les marchés de l’électricité au plan mondial et au sein de l’Europe, qui a fait un choix fort en favorisant leur développement. Dans le contexte européen où le potentiel hydraulique est largement exploité, ce sont les deux principales EnR électriques appelées à se développer en Europe afin de répondre aux objectifs EnR du paquet énergie climat européens, à l’horizon 2030. Il ne faut pas oublier que, par ailleurs, le poids des EnR dans le mix énergétique est également appelé à se renforcer dans la production de chaleur. La programmation pluriannuelle de l’énergie, dont le décret vient d’être publié, propose d’ailleurs un ensemble de mesure pour accélérer le développement des EnR électriques et la production de chaleur renouvelable en France. L’atteinte des objectifs européens à 2030 conduirait à porter la part des EnR dans le mix électrique européen à 45 %. Cela se conçoit dans le cadre du grand réseau interconnecté européen, car la capacité d’intégration des EnR à cette maille est supérieure à celle des systèmes nationaux pris séparément. En 2015, EDF R&D a publié une étude qui a simulé les conséquences pour le système électrique européen d’une montée à 60 % d’EnR dans la production totale d’électricité, allant au-delà des objectifs fixés à l’horizon 2030. Ce scénario haut paraît atteignable, mais d’importants défis doivent être relevés. Lesquels ? L’intégration de l’éolien et du photovoltaïque au système électrique pose la double question de la gestion de l’intermittence à la maille locale des réseaux de distribution (hautes et basses tensions), et de la gestion de l’impact de la variabilité de la production EnR sur l’équilibre offre-demande à l’échelle du système Européen interconnecté. Sachant que l’électricité ne se stocke pas et qu’il faut à chaque instant équilibrer l’offre et la demande, il sera nécessaire d’adapter le système électrique et de développer de nouveaux leviers de flexibilité en complément des leviers existants, notamment en faisant contribuer les EnR à cette flexibilité. Le rythme et les seuils de développement des EnR intermittentes devront être optimisés afin de pouvoir adapter les systèmes électriques à ces nouveaux enjeux. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’adaptation des réseaux et du système en général aux EnR est une problématique majeure, car lorsque la proportion des EnR est importante, les besoins de moyens de production d’appoint, notamment les centrales thermiques, sont plus élevés. En termes d’évolution du mix de production, la contribution du nucléaire sera nécessaire à la réduction des émissions de CO2 attendue à l’horizon 2030 pour l’Europe, tandis que le backup thermique devrait demeurer durablement nécessaire pour assurer la sécurité d’alimentation. Quid des besoins d’investissement ? L’un des principaux enjeux est de trouver un compromis entre la trajectoire temporelle à adopter pour réduire les émissions de CO2 et la soutenabilité sur le plan technique et financier. Le caractère fortement capitalistique de notre secteur plaide pour une refonte des structures des marchés, afin de créer des incitations à investir. Il faut dire qu’aujourd’hui, il y a un réel problème de cohérence dans la régulation. La concurrence n’est pas uniforme entre les différents moyens de production. Ainsi, l’électricité produite à partir d’EnR est rémunérée par des contrats d’obligation d’achat à long terme, alors que la demande n’augmente pas au même rythme. Dans ces conditions, ce ne sont pas les prix du marché à court terme qui régulent les investissements à plus long terme. La faible valorisation du CO2 en Europe sur le marché EU ETS ne fait que s’ajouter au manque d’efficience du marché pour orienter les décisions d’investissement et la consommation à moyen et long terme. Cette situation ne permet pas de définir clairement les capacités supplémentaires qui seront nécessaires dans le futur. Ce débat sur les règles du jeu des marchés de l’électricité reste ouvert et doit être mené. Et si l’on se projette après 2030 ? Les options de mix après 2030 appellerons sans doute de nouvelles ruptures, d’où l’intérêt de faire de la recherche. Il ne faut écarter aucune technologie à priori, c’est dans cette optique que nous établissons des scénarios et que nous faisons de la veille technologique intensive. Sans oublier les nombreux partenariats que nous menons avec des start-up pour éviter de passer à côté d’innovations importantes.
La prise de conscience du réchauffement climatique et la nécessité d’évoluer vers une transition énergétique moins consommatrice en combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz) font globalement consensus dans le monde. De fait, l’Accord de Paris, négocié lors de la COP21 en décembre 2015, a été ratifié par plus d’une centaine d’États, ce qui a permis son entrée en vigueur début novembre 2016. Son objectif principal est de parvenir à limiter la hausse des températures à deux degrés Celsius d’ici à 2100, en réduisant les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Dans ce contexte, où se joue l’avenir des générations futures, les énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydraulique) en complément du nucléaire ont un rôle majeur à jouer pour décarboner la production d’électricité. Aujourd’hui, celles-ci représentent 23 % du mix énergétique mondial. Elles pourraient atteindre 37 % en 2040, si l’Accord de Paris était respecté, selon le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE). Au niveau de l’Union Européenne, la proportion des énergies renouvelables dans la production électrique pourrait se situer dans une fourchette encore plus élevée, comprise entre 45 % et 60 % à l’horizon 2030 ! Cet objectif ambitieux constitue une des priorités des autorités compétentes. Toutefois, les défis sont immenses, car ce changement de paradigme, lié à l’essor des énergies vertes, implique des contraintes financières, technologiques et opérationnelles pour les énergéticiens. Et c’est là que l’apport de la recherche est décisif. Or, en tant qu’acteur historique du secteur électrique en France et à l’international, le groupe EDF engage des efforts importants, en termes de recherche scientifique, dont le Laboratoire de finance des marchés de l’énergie (FIME) est une illustration concrète. Créé en 2006, FIME est aujourd’hui une Initiative de recherche de la Fondation Institut Europlace de Finance. Il regroupe une équipe d’une trentaine de chercheurs académiques et des ingénieurs-chercheurs d’EDF R&D spécialisés notamment dans les mathématiques appliquées, l’économie et la finance. Ces profils variés permettent ainsi de faire le lien entre la recherche fondamentale et appliquée, indispensable pour identifier et résoudre les nombreux challenges du secteur électrique déjà bousculé par la dérégulation des dernières années. Cette situation a fait naître de nombreuses problématiques auxquelles la recherche peut répondre : quels sont les tarifs à appliquer en situation de concurrence ? Comment un énergéticien doit-il gérer une demande variable ? Quelles stratégies d’achat/vente sur les marchés de gros doit mettre en place un producteur ? Comment faire face à la hausse de la part des énergies renouvelables dont la production est aléatoire ? Et surtout, comment faire monter progressivement les énergies vertes pour réduire les émissions de carbone du système électrique… ? Dans ce nouveau numéro des Cahiers Louis Bachelier, vous pourrez trouver des éléments de réponses issus de quatre articles scientifiques récents réalisés par des chercheurs de FIME, ainsi qu’une interview exclusive du directeur des programmes management de l’énergie de la division R&D du groupe EDF. Bonne lecture ! Clémence ALASSEUR, Directrice du Laboratoire FIME et ingénieur-chercheur à EDF R&D et Nizar TOUZI, professeur de mathématiques appliquées à l’école Polytechnique