+ Ajouter à ma sélection Transition écologique : les défis de la relance verte 5 Oct. 2021 Politiques publiques #rechauffement-climatique Dans le contexte de réchauffement climatique et à l’approche de la COP26 de Glasgow prévue début novembre, l’Institut Louis Bachelier et l’Institut CDC pour la recherche de la Caisse des Dépôts ont organisé un webinaire dédié aux défis de la relance verte, qui s’est déroulé le 27 septembre. Après quelques mots d’introduction de Stéphane Voisin, modérateur de l’évènement et coordinateur du programme interdisciplinaire Green and Sustainable Finance de l’Institut Louis Bachelier et d’Isabelle Laudier, responsable de l’Institut CDC pour la recherche de la Caisse des Dépôts, qui a rappelé le soutien effectué par l’institution financière publique à la recherche scientifique sur ses thématiques d’intérêts dont la transition écologique, les discussions sont entrées dans le vif du sujet. La trajectoire de l’Accord de Paris dérape Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine – PSL, a ainsi débuté par une mise en contexte pour rappeler l’importance de la prochaine COP 26, le choc actuel sur les prix énergétiques en Europe, ainsi que la domination des énergies fossiles qui génèrent encore 80 % du mix énergétique mondial : « Pour atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050, l’Agence internationale de l’énergie recommande d’arrêter dès à présent l’exploration de nouveaux gisements d’hydrocarbures et de ne plus exploiter de centrales à charbon ». À ce titre, le développement de technologies alternatives, comme l’hydrogène en Europe, constitue une option intéressante, même si elle ne sera pas suffisante. Hormis, les défis technologiques et leurs financements, Patrice Geoffron est également revenu sur les objectifs de l’Accord de Paris pour le climat, conclu en 2015. Celui-ci est basé sur les contributions volontaires des pays à réduire leurs émissions pour contenir le réchauffement climatique sous les 2 degrés. Or, pour l’heure, la trajectoire actuelle est bien au-dessus des objectifs fixés en 2015 : « La problématique est de réduire l’écart en tenant compte des lois de la physique liées au budget carbone de notre planète et plus on tardera et plus la chute des émissions devra être verticale, ce qui causera des défis socio-économiques et techniques immenses, car nous avons déjà trop tardé », a constaté le chercheur académique. Néanmoins, il reste des motifs d’espoir avec une forte croissance des engagements vers zéro émission nette de carbone : « Plus de 70 % des émissions mondiales sont rejetées dans des pays qui ont pris des engagements pour atteindre zéro émission nette en 2050. Les différents pays concernés représentent même près de 70 % du PIB mondial », a poursuivi Patrice Geoffron. Pour parvenir à cet objectif ambitieux, les pays doivent s’engager le plus vite possible et surtout le prouver par des actions concrètes. « Il y a un hiatus entre la durée de vie de certains équipements et l’objectif de neutralité carbone en 2050, notamment dans les infrastructures de réseaux et les bâtiments, qui provoquera des actifs échoués (stranded assets en anglais). » Parmi les autres mesures à privilégier dans le monde figure « la réduction des subventions aux produits issus des énergies fossiles comme l’essence, car actuellement le signal-prix va à l’encontre de la transition ». Dans la même optique, la question des prix du carbone est également cruciale : « Les prix hétérogènes du carbone ne permettent pas d’accélérer la transition énergétique, malgré la progression de ce dispositif dans le monde. » Dans ce domaine, c’est l’Europe, qui est en pointe avec son marché interne du carbone, mais il faudra veiller aux « problématiques redistributives entre pays de la zone et à l’intérieur de chacun d’entre eux, qui résulteront de l’augmentation des charges pour les ménages ». Financer la transition climatique Dans une deuxième intervention, Anna Créti, professeure à l’Université Paris Dauphine – PSL et directrice de la Chaire Economie du Climat, a approfondi le concept relativement large de finance climatique, qui se définit selon les Nations Unies par : « Les ressources mobilisées pour financer des actions d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. » La chercheuse a ensuite admis « qu’il était difficile de définir un cadre normé pour la finance climat, mais qu’après la COP 21 de Paris, un objectif annuel de 100 milliards de dollars de financement de la part des pays développés a été déterminé, même s’il n’est que de 12 milliards actuellement. » Le retour des Etats-Unis dans l’Accord de Paris devrait permettre d’augmenter les fonds alloués à la finance climatique. Plus récemment, la pandémie de la Covid-19 a relancé les débats sur l’impact de l’homme sur la nature, ce qui a permis de renouveler l’intérêt et l’importance pour le financement de la transition. Dans ce contexte, les banques multilatérales de développement ont augmenté fortement leurs investissements en faveur du climat sans toutefois dépasser 30 % de leurs portefeuilles. Un autre levier de la finance climatique implique les engagements des entreprises. Plus de 200 grands groupes internationaux ont ainsi pris des engagements pour atteindre la neutralité carbone dès 2040 en comptabilisant leurs émissions et en les compensant. Toutefois, cet objectif est différent de celui de zéro émission nette, qui implique nécessairement une réduction des émissions et pas simplement une compensation. Après ces explications, la relance économique post-Covid est-elle réellement verte ? « L’Europe et d’autres pays comme le Canada sont bien placés dans la relance verte, mais de nombreux plans restent émissifs dans le monde », a admis Anna Creti. Pour inverser la tendance, elle estime que la régulation a un grand rôle à jouer, notamment en réaffirmant les principes et réglementations liés aux investissements responsables, ainsi que l’alignement des portefeuilles d’investissement avec la transition. Par ailleurs, les incitations économiques, comme les subventions pour développer des technologies vertes et la recherche & développement, constituent des instruments efficaces. Enfin, elle a terminé sa présentation avec le concept de transition juste, qui implique d’inclure des critères sociaux pour que des activités économiques soient qualifiées de responsables. La Caisse des Dépôts, un financeur majeur de la transition Outre le contexte, les défis physiques et technologiques, ainsi que les explications détaillées sur le rôle de la finance climatique, un focus sur la France a été réalisé par Jöel Prohin, Directeur du département de la gestion des placements à la Caisse des Dépôts, « un acteur majeur de la transition, car des sommes importantes sont mises en œuvre en pleine coordination avec les pouvoirs publics », selon ses termes. De fait, l’institution publique a déjà engagé 2,1 milliards d’euros en fonds propre sur la transition écologique sur l’enveloppe de 6,3 milliards d’euros allouée de 2020 à 2024. Ces montants sont destinés entre autres à développer les énergies renouvelables et la mobilité durable, tout en améliorant l’efficacité énergétique des bâtiments et la valorisation des déchets. Par ailleurs, un plan climat ambitieux de 40 milliards d’euros a également été lancé sur la même période. L’un de ses objectifs est de servir d’accélérateur à la transition et de favoriser les innovations. Autrement dit, en tant qu’investisseur institutionnel de long terme, la Caisse des Dépôts finance et participe à la transition. D’ailleurs, elle a été parmi les premiers grands acteurs à rejoindre l’initiative Net-Zero Asset Owner Alliance, qui regroupe 46 membres dans le monde, notamment des grandes compagnies d’assurance et des fonds de pension. « Le portefeuille d’actifs de ces institutions doit transiter pour atteindre un objectif de zéro émission nette en 2050. Pour respecter cet engagement, des cibles sont définies tous les 5 ans », a souligné Joël Prohin. Cette alliance vise ainsi à regrouper les forces des grands investisseurs de long terme pour dégager des solutions pérennes, en particulier sur le plan de la méthodologie et du monitoring permettant de définir des politiques d’investissement favorable à l’environnement. Enfin, pour conclure son intervention, le spécialiste en investissement a insisté : « Cette alliance veut jouer un rôle d’ombrelle et représente un élément majeur de la politique future de la Caisse des Dépôts en tant qu’investisseur institutionnel dans les prochaines années. Cela se traduit par des prises de décision au quotidien et surtout par une politique d’engagement. De fait, c’est avec un dialogue confiant et régulier avec les entreprises que nous pourrons leur faire percevoir, en tant que financeur et actionnaire, d’adapter leur business model pour nous permettre d’atteindre nos objectifs. Nous ne pourrons pas le faire sans elles, ni les engagements d’Etats qui définissent les politiques. » En clair, la réussite de la transition écologique implique la mobilisation et la coordination de plusieurs parties prenantes à travers le monde. Retrouvez le replay de cet évènement en cliquant ici